Saleccia, l’éblouissante blancheur du désert corse

Entre désert blanc et mer cristalline, Saleccia fascine. Ici, point de béton, mais une courbe de sable fin, des dunes modelées par le vent et une lumière intense qui fige l’instant. Une plage corse où l’on se pose, sans autre but que celui d’exister.

Article posté le
27 octobre 2025

On ne s’y attend pas. Après avoir traversé les collines arides de la Balagne, après avoir quitté l’animation des ruelles de Saint-Florent, on découvre soudain une étendue de sable si blanc, si fin, qu’on en oublie presque la Méditerranée. La plage de Saleccia n’est pas une plage comme les autres : c’est une parenthèse, un de ces lieux où le temps semble suspendu entre ciel et eau.

Plage de Saleccia, Corse

Ici, ni front de mer bétonné, ni transats alignés à la parade. Juste une longue courbe de sable, ourlée d’eaux bleutées, et derrière, une lande sauvage où poussent genévriers et lentisques. On comprend vite pourquoi Saleccia évoque un désert : le vent y sculpte les dunes en motifs éphémères, et le soleil y frappe avec une telle intensité qu’on cherche l’ombre d’un pin parasol comme une délivrance.

L’histoire discrète d’un lieu à part

Saleccia n’a pas d’histoire fracassante. Ni batailles, ni châteaux en ruine, mais celle, plus secrète, des bergers traversant ces terres ou des pêcheurs tirant leurs filets sur ce rivage. Son nom viendrait du corse sale – « saule » –, ces arbres que l’on trouve encore près des points d’eau. Longtemps isolée, accessible seulement à pied ou à dos de mulet, cette partie de la Balagne a conservé son caractère sauvage. Aujourd’hui, malgré les bateaux estivaux, l’impression d’être au bout du monde persiste.

Ce qui frappe avant tout, c’est cette lumière. Crue, presque minérale, elle se reflète sur le sable et l’eau, conférant à chaque détail une netteté surprenante. Les rochers, polis par les vagues, semblent immémoriaux. Les herbes folles, courbées par le vent, témoignent d’une résistance silencieuse. On marche pieds nus, et le sable, brûlant en surface, révèle une fraîcheur inattendue à quelques centimètres de profondeur.

L’art de la contemplation

À Saleccia, on ne vient pas pour agir, mais pour être. On s’allonge sur une serviette, on écoute le ressac, ce rythme régulier et apaisant. On observe les enfants creuser des châteaux, les couples marcher main dans la main, les solitaires lire à l’ombre d’un rocher. L’eau, d’une limpidité rare, laisse entrevoir poissons et algues dansant au gré des courants. Parfois, un bateau passe au large, mais le bruit du moteur s’éteint vite, absorbé par l’immensité.

Les plus aventureux exploreront les dunes, graviront les rochers pour admirer la vue ou emprunteront le sentier côtier menant à la plage voisine de l’Ostriconi. D’autres préféreront rester, à ne rien faire, bercés par cette rare certitude : celle d’être exactement là où il faut, quand il faut.

Dunes et mer à Saleccia, Corse

Saveurs de sel et de maquis

Vers midi, quand le soleil est à son zénith, on se réfugie sous l’un des rares arbres ou on pique-nique à l’ombre d’une toile. Les paniers s’ouvrent : tomates du jardin, fromage de brebis, pain croustillant. Et surtout, ces spécialités corses imprégnées des parfums du maquis – canistrelli parfumés à l’anis ou au citron, charcuterie achetée au marché de Saint-Florent. Le vent mêle les effluves de thym et de romarin à l’iode de la mer.

En fin de journée, lorsque les derniers baigneurs s’en vont, Saleccia retrouve son calme. Les couleurs se transforment : le sable se pare de reflets roses, l’eau vire au turquoise, et les ombres s’étirent sur les dunes. C’est l’heure où les photographes immortalisent la lumière, où les amoureux prolongent l’instant. On dirait que la plage respire, enfin libérée de l’effervescence estivale.

Y aller, et y revenir

Saleccia ne se livre pas facilement. En été, des bateaux partent de Saint-Florent et traversent le golfe en une demi-heure. Le reste de l’année, il faut marcher ou emprunter un 4×4, car la piste d’accès est escarpée. Cette difficulté même en fait un lieu précieux : il se mérite.

Aux alentours, la Balagne recèle d’autres merveilles : les villages perchés de Sant’Antonino ou de Pigna, les vignobles de Patrimonio, les criques sauvages du désert des Agriates. Pourtant, Saleccia reste unique. À la fois sauvage et hospitalière, isolée et vibrante de vie, elle rappelle que le bonheur peut tenir dans un grain de sable, une vague et un horizon sans fin.

On repart avec du sable dans les chaussures, le sel sur la peau et cette certitude : on reviendra. Car Saleccia n’est pas qu’une plage. C’est une promesse – celle d’un retour.