On aperçoit d’abord la falaise, immense, zébrée de strates claires, puis les toits de pierre qui semblent épouser la roche comme des nids d’hirondelles. Rocamadour surprend : un village qui brave les lois de la pesanteur, suspendu entre ciel et canyon, là où l’Alzou a sculpté son lit dans le calcaire. On laisse la voiture en contrebas, près de la rivière, et c’est à pied que l’aventure commence. L’ascension vers la cité médiévale s’effectue par des ruelles pavées, entre des maisons de pierre blonde aux volets de bois, des auvents de fer forgé, et cette odeur de pain chaud qui s’échappe d’une boulangerie. Ici, le temps a l’épaisseur des murs.
Entre sanctuaire et légende
Rocamadour évoque d’abord une prière. Au Moyen Âge, ce village constituait un haut lieu de pèlerinage, juste après Rome et Saint-Jacques-de-Compostelle. La légende raconte que le corps de saint Amadour, ermite du Ier siècle, y aurait été retrouvé intact. Aujourd’hui encore, la basilique Saint-Sauveur et la crypte Saint-Amateur, taillées dans la roche, attirent ceux en quête de silence et de lumière tamisée par les vitraux. On y pénètre par des portes basses, usées par les mains de millions de visiteurs. L’air y est frais, chargé d’encens et de cire. Les chapiteaux romans s’ornent de motifs étranges : des lions, des sirènes, des hommes à tête d’oiseau. On imagine aisément l’émerveillement des pèlerins du XIIe siècle, venus parfois de si loin pour les contempler. Plus haut, la chapelle Notre-Dame, accrochée à la falaise telle une offrande, abrite une Vierge noire. On lui prête des pouvoirs miraculeux. Des plaques votives couvrent les murs, témoignages de vœux exaucés. Dehors, la vue plonge sur la vallée. Le vent soulève les cheveux, porte les rires d’enfants jouant plus bas, près de la rivière. On comprend alors pourquoi les moines choisirent cet emplacement : ici, le monde paraît à la fois immense et infiniment fragile.Une vie de village, entre pierre et rivière
Rocamadour n’est pas un musée figé. C’est un village vivant, où l’on se croise sur la place centrale, où les commerçants saluent leurs clients par leur prénom. Dès le matin, les étals du marché s’installent près de la porte du Figuier : fromages de chèvre du Quercy, noix, miel et ces truffes noires du Lot qui parfument les plats des restaurants voisins. On s’attable en terrasse, on commande un café et une tarte aux noix. Les conversations vont bon train, mêlant l’accent chantant de l’Occitanie au français des visiteurs. L’après-midi, on peut descendre vers l’Alzou. Le sentier serpente entre les rochers, franchit des ponts de pierre, passe sous des falaises où nichent des faucons pèlerins. L’eau, froide et claire, est bordée de saules et de peupliers. Des enfants sautent de rocher en rocher, des pêcheurs patientent, immobiles. On s’arrête, on écoute le clapotis et le chant des oiseaux. C’est dans ce calme que l’on saisit toute la magie de Rocamadour : le vertical des falaises, l’horizontale de la rivière, le minéral et le vivant en parfaite harmonie.



